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domingo, 17 de agosto de 2014

Pour la francophonie


La dissolution de la Ligue de défense juive ne repose sur aucun fondement juridiqueLDJ


Dissoudre la Ligue de défense juive (LDJ) constituerait une grave erreur. Non pas que certains comportements de ses membres soient acceptables. La violence et les propos xénophobes doivent toujours être dénoncés et le cas échéant poursuivis, en application des dispositions du code pénal, quand ils peuvent être attribués avec certitude. Néanmoins, la question doit être posée, d’une part, du principe essentiel de la liberté d’association et, d’autre part, de l’étrange simultanéité de la proposition de dissolution avec les manifestations propalestiniennes en France.


Le principe de la liberté d’association a été clairement affirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juillet 1971, qui l’inscrit dans le corpus constitutionnel en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. Cette décision trouve sa confirmation dans la Convention européenne des droits de l’homme et dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques, et dans la loi du 1er juillet 1901 sur la liberté d’association. Des restrictions sont apportées pour assurer la sûreté publique, la défense de l’ordre public, la prévention du crime, de la santé, de la morale et de la réputation d’autrui entre autres. Ces restrictions pourraient conduire à la dissolution d’une association en cas de transgression, ainsi que l’énonce l’article L 212-1 du code de la sécurité intérieure du 12 mars 2012.
Il paraît évident que peu de ces dispositions ne seraient susceptibles de s’appliquer à la LDJ. Elle ne provoque pas de manifestations armées dans la rue. Elle ne présente pas par son organisation militaire le caractère de groupe de milice privée. Au surplus, elle ne va pas au-delà du fonctionnement classique des services d’ordre. Elle n’a pas pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’intenter par la force à la forme républicaine du gouvernement. Son activité ne tend pas à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine. Elle n’a pas pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration.
Par ailleurs, elle ne provoque pas à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance, ou de leur non-appartenance, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées, ni ne propage des idées ou théories tendant à justifier ou à encourager ces discriminations, cette haine ou cette violence. Si certains débordements punissables ont pu intervenir, ce n’est qu’en réaction à des manifestations indiscutables d’antisémitisme et en tout état de cause en excluant toute systématisation d’une idéologie d’exclusion. La seule revendication indiscutable a toujours été le droit effectif pour les juifs de bénéficier d’un Etat à l’instar de tous les peuples. Elle ne s’est jamais livrée sur le territoire français, ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger. Il faudrait que d’une façon élaborée la LDJ ait eu pour finalité au moins une de ces transgressions énumérées par l’ordonnance de 2012 et postérieurement à celle-ci, car le texte ne saurait être rétroactif.
POURQUOI UNE DÉCISION SI TARDIVE
En cas de dissolution, la question pourrait être posée de savoir pourquoi prendre cette décision si tardivement et les raisons de cette discrimination, alors que tant d’instances provoquent à la haine, au boycott, et sous l’apparence d’un antisionisme qui ne critiquerait que la politique israélienne, en réalité dissimule bien mal un antisémitisme radical refusant au seul peuple juif le droit effectif à une entité nationale.
Mais ce qui est encore plus grave, c’est la soudaineté de cette intention de dissoudre qui donne un sentiment d’opportunisme malsain. Peut-on penser que la communauté juive est suffisamment protégée par les forces de l’ordre républicaines ? Ce n’est pas leur bonne volonté qui est en cause, mais les moyens qui leur sont donnés. Comment éviter les violences individuelles, le respect des lieux du culte et de réflexion, d’études et de mémoire ? Les attentats récents (Toulouse et Bruxelles) montrent les difficultés de repérage et de prévention. L’absence, ou en tout cas la faiblesse, des poursuites à l’égard des provocations manifestes à la haine nécessite des précautions pour éviter le pire.
EXPRIMER L’ÉMOTION
Je ne fais pas partie de ceux qui étaient opposés aux manifestations dénonçant les morts civiles à Gaza, sous réserve que les débordements indignes soient sanctionnés, tout en regrettant qu’aucune mobilisation de ces mêmes personnes, partis ou associations, ne soit intervenue ou n’intervienne pour les morts en Syrie et en Irak et dénonce l’islamisme violent dont les premières victimes sont les enfants, les femmes et tous les musulmans voulant vivre leur islam dans la paix. Je ne peux que comprendre l’émotion face à des morts inacceptables tout en déplorant que ne soit pas dénoncée l’intransigeance aveugle de ceux qui ne souhaitent pas la paix et provoquent par des assassinats de civils et la construction de tunnels offensifs des réactions tragiques.
Encore faudrait-il que des solutions soient proposées pour permettre que les populations civiles soient épargnées tout en éradiquant les actions terroristes. Le choix de se dissimuler dans les populations civiles ne semble pas faire l’objet de beaucoup de critiques. Il n’en reste pas moins que l’émotion doit pouvoir être exprimée, car tout refoulement ne peut que conduire à des réactions intolérables et tragiques.
Dissoudre la LDJ donnerait le sentiment de vouloir compenser l’attitude modérée de la France vis-à-vis du conflit entre Israël et les islamistes violents et donner un gage à ceux qui ne souhaitent pas la paix et privilégient d’une façon discriminatoire les responsables du conflit actuel en ne protégeant pas les Palestiniens silencieux qui sont leurs otages. Que sont les quelques dizaines de sympathisants de la LDJ face aux milliers de personnes martelées par des idéologies de haine et par des courants démagogiques en quête d’électeurs ? Il n’y a qu’une réponse : ne pas céder aux voix des sirènes de la compromission, ce qui serait injuste en droit et en fait serait vraisemblablement ressenti comme un signe de faiblesse, un exorcisme inutile.
Léon-Lef Forster (avocat à la Cour de Paris, ancien membre du Conseil de l’ordre) – Le Monde .fr

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